* À lire le soir avec une lumière tamisée, un air de jazz douteux, un chapeau qui cache les yeux et une pipe; et avec une voix rauque...
Tout a commencé il y a deux semaines. Ce n'était qu'un banal vendredi, comme tous les autres. Le soleil se couchait tranquillement qui Rock-Farwest en cette fin d'après-midi. Je balayais tranquillement le plancher de la classe et ne me doutais pas qu'un mystère planait au-dessus de ma tête. Et pourtant...
Entre deux îlots de travail, je mets la main sur un bout de papier, par terre. Un vulgaire message perdu. Aucun doute : c'est un modèle que je leur donne pour écrire : ça vient de ma classe. L'écriture maladroite est presque illisible...
Veux-tu *faire* avec moi ? Oui ou Non.
Étrange demande. Mais est-ce bien le mot faire ? Est-ce seulement moi qui a l'esprit tordu d'y voir quelque chose de louche ? Je sors ma loupe...
Veux-tu *fouré* avec moi ? Oui ou Non.
Je m'étouffe. Non d'une pipe !?! Mais qui donc a écrit cette vulgarité ? Quoi !?! Je m'étouffe une seconde fois quand je remarque que le mot Oui est encerclé...
Qu'à celà ne tienne ! Je mènerai mon enquête et je compte bien trouver le coupable... Il est temps de condamner les idées vulgaires de ma classe !
Lundi matin, interrogatoire privé pour 6 suspects. Un est louche, mais quand il fond en larmes en m'apprenant que son oncle est mort la veille, mon doute se change en pitié. Erreur de détective au coeur tendre...
Je ne connais toujours pas le coupable. J'encourage l'honnêteté et... la trahison. Aucune preuve incriminante. Je décide de laisser aller le temps et prive les suspects d'écrire sur mes modèles de papier à mots doux. "Tant que nous ne connaîtrons pas l'auteur de ces vulgarités..." Les regards intrigués fusent de toutes parts. Tous se regardent d'un air louche...
Une semaine passe, puis deux. Les plaintes se font de plus en plus répétitives... Quand donc pourrons-nous réécrire des mots doux Détective Ju ? "Pas avant de découvrir le coupable..."
Je n'en laissais rien voir, mais j'étais dans une impasse... Devrais-je utiliser la menace ou pire... la torture pour arriver à mes fins ? Devrais-je tirer un trait sur cette enquête et m'attendre à ce que le coupable ne récidive pas ? La défaite me semblait amer...
Avec les bulletins et les rencontres de parents, je mis le dossier de côté, sans le fermer vraiment. C'est toujours au moment où l'on s'en attend le moins que les événements se bousculent.
Hier, 19h48 : la mère de A. me montre un second message suspect attrapé dans le sac de sa fille. Celui-ci, d'une vulgarité encore plus crue...
Est-ce que je peux toucher ton vagin ? Oui ou non.
19h49 : deux bonnes nouvelles. D'abord, la mère m'apprend l'identité de l'élève B. Ensuite, A. n'a pas répondu à B., mais a répondu avec conviction à sa mère sa réponse : nooooo.
Moment de soulagement...
Ce matin, 8h41 : j'invite les élèves à fermer les yeux pour laisser une dernière chance au coupable de se dévoiler en tout anonymat. Personne.
8h43 : j'informe les élèves que je connais l'identité du coupable et qu'il s'agit maintenant de sa vraie dernière chance de se manifester. Toujours personne.
Haha... Le coupable ne me croit pas quand je dis que je connais son identité.
12h47 : je décide de fouiller son pupitre question d'avoir d'autres preuves potentielles. Je récolte au moins 10 "Veux-tu me donner un bisou sur la bouche ?" et 3 "Veux-tu faire l'amour avec moi ?" Que de preuves extraordinaires !
12h54 : Un doute me vient à l'esprit... Et si C. était également coupable ? Je vais fouiller son pupitre. J'y retrouve autant de preuves... dont une inculpabilisant également D...
12h58 : Je fouille le pupitre de D. et y trouve également des preuves dont un "T'es belle avec des bigs mamelons." Et un "Si il te touche, je lui casse la gueule !"
Ouf... C'est plus de preuves que j'en demandais.
15h25 : Je garde B. C. et D. durant la récréation. Mis devant les faits, ils avouent tout, la mine basse. Une discussion plus tard, une réflexion à faire signer à la maison et un appel aux parents, l'histoire est résolue.
Encore une enquête réussie de détective Ju.
Heureuse que le mystère ne planne plus, mais désillusionnée de la naïveté de ses élèves. Traumatisée aussi. 2e année seulement et déjà...